M.H
Et ta voix était tellement ta voix.
La même voix dans ce long silence
Ta voix la même
Comme apprise par cœur
Dans ce long silence de toi
Laissant espérer
Toujours un possible
Qu’aujourd’hui
Comme par cœur
Sans aucune autre nouveauté
Dans ta voix qui demeure
Notre demeure
Dit-elle encore plus mélancolique
Que la mélancolie même
I.B-L.
Play&Rec
En 1984, j’enregistrai Such a shame sur un lecteur-cassette audio : l’exercice consistait à caler l’enregistreur contre les baffles de ma radio, à appuyer sur les deux touches Play et Rec en même temps et à prier pour qu’un jingle de la bande F.M ne vienne pas couper la chanson en plein milieu.
Je ne m’explique toujours pas pourquoi la voix de Mark Hollis était la seule à pouvoir apaiser un peu des souffrances menstruelles d’adolescente qui me clouaient au lit. Les titres de Talk Talk sont, bien malgré moi, associés à ces instants de solitude et d’endolorissement.
Sur ma table de chevet attend depuis quelques mois L’Homme-dé de Luke Rhinehart qui contient, parait-il, la clé de l’énigme de la chanson.
J.W.
Le bonheur est facile
Nuit après nuit,
le bonheur est facile
et Mark Hollis
est mort.
La mort, quelle honte,
quand on y pense…
Karl Lagerfeld,
sa vie, les enfants
qu’il n’a jamais eus,
la chatte qu’il aimait
mieux que sa mère,
les femmes
qu’il habillait
à l’ère de ce qu’un
mauvais article de trop
présenterait avec désinvolture
comme un échange de ballons
contre des photos de nus.
Qui se souvient
comme il était gros,
Lagerfeld,
bombardé à coups
de boulettes de viande
comme un poisson
rouge dans son bocal ?
Ces années 80 à la dérive,
qui s’en souvient vraiment…
Mark Hollis
est mort.
Le premier titre
de Talk Talk,
je devais être encore
en train de m’imaginer
en pleine partie
de joue contre joue
avec cette jeune société
anglaise
qui me fascinait.
Mark Hollis est mort
et le premier titre
de Talk Talk,
il arrivait juste après
deux satires impitoyables
et cette envie de mettre
le monde
cul par dessus-tête.
Le Punk et
tout ce qui
a pu survenir après.
Le premier titre de Talk Talk,
savait retranscrire
tout ce qui précède
la chute du jour
et de la nuit
dans un panaché bien blanc.
Le premier titre de Talk Talk…
Les doutes et la fureur
d’une génération
qu’on disait perdue…
Mark Hollis
est mort.
Les générations perdues,
d’abord,
ça n’existe pas
et puis pour dire rapidement
les choses,
mieux les dire
puisque ça fait longtemps
que je ne suis plus payé à ça,
les titres de Talk Talk
proposaient une gestion
assez douce
de la fureur et des doutes
d’une génération suractive
et débridée.
Voilà qui ferait
assez joli
dans un papier des Inrocks.
Mouais…
Et si j’écrivais; morne
et carrément merdique?
Magic, la revue pop moderne,
tu crois…
Nuit après nuit,
le bonheur est possible
et Mark Hollis est mort.
Comment la mémoire
peut-elle être
ce film à ce point
commercial et racoleur ?
Est-ce vraiment utile
d’insulter notre mode
de vie de l’époque
en se servant d’un souvenir
sur deux?
Est-ce vraiment utile…
Mark Hollis
est mort.
Quelle honte,
cette vie.
Respirez bien fort
avant de voir
avec qui
votre amour de jeunesse
partage désormais
son existence.
Mark Hollis
est mort…
Tu connais l’histoire
de cet homme
qui n’aimait pas
la Pop Music
et qui, un beau jour,
s’est mis en tête
d’acheter
tous les chars russes
mis en vente sur eBay ?
Laisse tomber…
Mark Hollis
est mort
et il y a ce refrain pluvieux
qui donne un ton particulier
à ma jeunesse.
Ici,telle nuée de brume
comme une garantie de discrétion.
Là, le pépiement des oiseaux.
Le bruissement des feuillages
et leur sourire tendre.
Mark Hollis
est mort.
On touche au vieux fond
sensible.
C’est tout un territoire
et ce territoire
est maudit…
B.J.