
Cet été-là, nous sommes en 1995
et ce sont parfois
les petites histoires
qui nous touchent le plus
Il y a toujours une fille
qui vous explique
comment fabriquer des amours
de vacances infinies
afin de retrouver un peu
d’arithmétique
dans les sentiments
Oh nous faisons tous
des erreurs
Sous le soleil nous ne voyons jamais
l’orage qui s’amène
et il y a toujours une fille
pour chanter un refrain fort
des chants honnêtes
où elle te prévient
n’empêche
que si tu l’emmerdes encore
avec tes bisettes papillon
elle te piétine
jusqu’à Vierzon
parce que ça te coûtera moins cher
que d’aller aux Bahamas
et que d’abord
c’est plus joli…
Cet été-là nous sommes en 2002
et Lionel Jospin se retire
de la vie politique
pendant que mon père
fait glisser sa faux
dans les orties
de la gauche de gouvernement
avec un bruit de mort
joyeuse
Oh nous faisons tous
des erreurs
Sous le soleil nous ne voyons jamais
l’orage qui s’amène
et il y a toujours un vieux cacique
du PS pour vous balancer
en pleine gueule :
« jeune trompette non mais où
vous croyez-vous ?
Et puis si vous avez
des haricots magiques
qu’attendez-vous pour les planter ? »
Notre voisin à la ferme
est prof
et oui après ses trois verres
de piquette réglementaire
il se souvient :
La première femme de sa vie
alors il l’a embrassée
près d’un épandeur à fumier
Chaque matin il s’écrie
en sortant du bistrot :
« Au revoir, bande de bouseux,
l’échec scolaire
m’appelle… »
Cet été-là nous sommes en 2019
et c’est bientôt l’heure
d’enfermer nos fantasmes
dans le petit truc à fromage
Il y a toujours trois
ou quatre fils de famille
dans ce bar de la rue
de Charonne –
décidément Paris la nuit
plus ça bouge
et moins les êtres
et les choses ne changent –
et les serveurs ont beau t’appeler
encore « Ben »
comme en 1995
n’empêche
tout le monde
semble avoir oublié
que Philippe Zdar, le magnifique
qui vient de mourir
a été le premier
à replacer la France sur la carte
de la musique électronique
N’empêche
Oh nous faisons tous
des erreurs
Sous la lune nous ne voyons jamais
l’orage qui s’amène
et il y a toujours une fille
malgré son visage silencieux
pour aimer l’un de ces trois
ou quatre fils de famille
et même que la pluie
n’y peut rien…
